LA ROMANCIÈRE MAGALI
ET FRANCE-CANADA
À VERNEUIL-SUR-AVRE
Plus d’un demi-siècle avant la fondation de notre association, des liens avaient été déjà renoués avec la Nouvelle-France, et cela grâce à une étonnante personnalité : la romancière Magali. Voici en quatre points ce que nous avons pu tirer d’un injuste oubli grâce à diverses sources dont, pour commencer, les souvenirs qu’a bien voulu nous confier M. Jean Herbette avec une fort belle plume. Qu’il en soit ici remercié !
1 • Le témoignage de M. Jean Herbette
En 2006, M. Jean Herbette a rédigé le témoignage qui suit et l’a remis au président fondateur d’Adbstar-France, notre ami commun M. Étienne Dugué. Nous retranscrivons ce texte dans son intégralité (seuls deux intertitres ont été ajoutés), tout en l'illustrant de quelques documents photographiques.
« L’association vernolienne France-Canada fut fondée en 1953 à l’initiative de la grande romancière populaire Magali, qui habitait à Rueil-la-Gadelière. Éditée au Canada, Magali y possédait de nombreuses relations. À Verneuil, sa personnalité dynamique et chaleureuse lui valait bien des amitiés, notamment auprès des membres de l’association théâtrale L’Amicale qui produisait alors ses opérettes dans toute la région et particulièrement à l’occasion de la fête annuelle de Rueil dont Magali était l’une des promotrices. Citons, au passage, quelques titres : Mon neveu du Canada, Allons en vendange o-gué, À bord de l’Armorique.
» Les membres de L’Amicale devinrent tout naturellement les premiers adhérents de France-Canada dont Magali fut la présidente. Au fur et à mesure que la nouvelle association se manifesta à Verneuil, d’autres personnes vinrent en grossir les rangs et y apportèrent le concours de leurs compétences.
» France-Canada Verneuil était, en fait, un comité local de l’association nationale dont le siège était à Paris et que présidait alors l’ancien ministre Raymond Laurent. L’objet de cette association était de faire connaître le Canada et de faciliter les relations entre des Français et des Canadiens, le plus souvent des Québécois aux origines françaises et notamment normandes.
» L’activité du comité de Verneuil se situa dans cette perspective : réception de Canadiens soit individuellement, soit en groupes qui, généralement, accomplissaient un circuit dans notre région. Nous leur faisions visiter, au passage, le château de Montigny-sur-Avre où est né Monseigneur Montmorency-Laval qui fut le premier évêque du Canada et l’église qui conserve les fonts baptismaux témoins de son baptême.
» Pour se procurer les ressources nécessaires à la réalisation de ses projets, l’association organisait des spectacles de haute tenue. Citons, en 1955, le gala Jean Nohain au cours duquel se produisirent des vedettes du music-hall, de la chanson et de l’écran comme Andrex, la chanteuse canadienne Aglaé, Charles Gentès entre autres, et où le célèbre Jaboun anima les jeux télévisés de “36 chandelles”…
» En 1956 ce fut un spectacle de music-hall dont le compositeur et chanteur Léo Ferré était la vedette.
» En 1957, Verneuil accueillit, durant deux jours, le congrès [international] de France-Canada. Ce fut l’occasion de recevoir de nombreuses personnalités françaises et canadiennes qui, si l’on se réfère aux commentaires des journaux locaux de l’époque, avaient apprécié l’accueil qui leur fut réservé tant au cours des séances de travail que lors des festivités organisées en l’honneur des congressistes. Ce fut également à cette occasion qu’une émission radiophonique destinée au Canada fut enregistrée au château de Montigny.
Congrès international de France-Canada à Verneuil-sur-Avre le dimanche 31 mars 1957. Au premier rang, de gauche à droite : MM. le Dr Mahieu, maire de Verneuil, de Felice, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Pierre Mendès France (député de l’Eure et ex-président du Conseil) et René Garneau, attaché à l’ambassade du Canada. Au deuxième rang : M. Raymond Laurent (ancien ministre, président de France-Canada et député de la Manche), Mmes Magali (présidente de France-Canada à Verneuil) et René Garneau. Ils se rendent à l’église, où va être célébré une messe solennelle. À cette occasion, le chanoine Salaville prononcera un prêche sur le mariage d’amour qui lie la France et le Canada (photo Michel Corradot).
» En 1958, à la salle des fêtes de Verneuil, “Les boutiques à travers le monde” offrirent aux visiteurs des produits de divers pays (Antilles, Espagne, Mexique, Japon, Canada…). Un défilé de mode et un dîner dansant complétèrent une journée qui connut un vif succès.
» Enfin, en 1959, un “Après-midi du livre” au cours duquel des grands noms du roman et de la presse signèrent leurs œuvres, tels Mac Orlan et Maurice Dekobra, fut suivi d’un cabaret dansant auquel Charles Gentès, la voix d’or de la radio, charma à nouveau un nombreux public. Il y eut également, cette année-là, un “bal des rois” qui remporta un beau succès.
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Fête montmartroise chez Magali, à Rueil-la-Gadelière, le 7 juillet 1957 (photo Michel Corradot) |
… Et des voyages
» Les bénéfices de ces diverses manifestations permirent de réaliser un projet important : offrir chaque année un voyage au Canada à l’un des membres de l’association vernolienne sous la forme d’une bourse couvrant le transport aller-retour Paris-Montréal. À cette époque, le Canada paraissait un pays bien lointain et s’y rendre était un luxe (le billet d’avion coûtait environ 3800 euros actuels). Le premier boursier fut, en septembre 1958, [l'auteur de ces lignes] qui embarqua au Havre en compagnie des deux romancières Magali et Claude Jaunière [son ex-secrétaire] qui allaient accomplir un vaste voyage qui les conduirait de la rive est à la rive ouest du Canada. Le boursier vernolien visita, durant deux semaines, plusieurs villes du Québec (Montréal, Québec, Trois-Rivières, Granby principalement) où il donna un récital de poésies franco-canadiennes. Deuxième but du voyage : Magali fonda des “relais d’amitié” destinés à recevoir les futurs envoyés vernoliens entre autres et créa un prix littéraire destiné à récompenser un romancier canadien de langue française.
» L’année suivante, l’association attribua la bourse de voyage à Monique Quatravaux, journaliste locale à L’Eure-Éclair qui, ayant trouvé une activité sur place, prolongea son séjour canadien durant plusieurs mois.
» Mais, à partir de 1960, le départ de Verneuil de plusieurs des membres les plus actifs de l’association, dont son secrétaire et animateur infatigable Jean Bourgeois, entraîna une nette baisse d’activité. La réception de Canadiens dans les familles se poursuivit et un dimanche après-midi par mois étaient organisées des rencontres-conférences suivies d’un dîner. C’était l’occasion d’entendre des Canadiens parler de leur pays et de recueillir le fruit d’expériences vécues au Canada par des amis français.
» France-Canada Verneuil connut environ dix ans d’activité. Comme c’est souvent le cas, les effectifs ne se sont pas renouvelés et l’esprit dans lequel une association est créée a tendance à disparaître avec le temps. Si, de nouveau, des personnes jugent utiles de constituer une structure de relation et d’accueil avec des Canadiens en recherche de leurs racines normandes, on ne peut que s’en réjouir car ce serait répondre au désir de beaucoup de Québécois qui souhaitent entretenir des liens privilégiés avec le pays d’où sont partis leurs ancêtres dès le xviᵉ siècle et qui ont constitué ce qui, à l’époque, s’appelait la Nouvelle-France. »
D’origine bretonne, Jeanne Élisabeth Marie Joséphine Philbert est née en 1898 à Limoux (très exactement place de la République, au-dessus de la banque). Très jeune, elle ose écrire son admiration au grand poète et écrivain provençal Frédéric Mistral (prix Nobel 1904). Et contre toute attente, non seulement ce dernier lui répond mais se prend d’amitié pour celle qu’il surnomme « Magali », au point d’entretenir avec elle une correspondance suivie qui durera jusqu’à sa mort, en 1914. Elle fait ses études à Carcassonne et part quatre ans en Algérie comme institutrice. Après guerre elle épouse un romancier pour jeunes filles, Marcel Idiers, aux œuvres de qui elle collabore jusqu’à ce qu’elle décide de s’en séparer pour voler de ses propres ailes. Très vite c’est le succès : Le Jardin enchanté, qu’elle signe Magali, lui vaut en 1927 d’être couronnée par le 1er prix Max du Veuzit.
Désormais, il n’est guère que Delly pour lui contester, dans la veine sentimentale, le rang d’auteur la plus populaire auprès du grand public féminin. À telle enseigne que les éditions Jules Tallandier la font entrer dans leur collection blanche en 1929 et que, à partir de 1930, elle multiplie les romans à l’eau de rose en utilisant, outre celui de Magali, jusqu’à sept noms de plume différents (Claude Desvalliers, Michel Cerdan, André de Surty, Michel de Surty, Sylvaine, Sreidi, Claude Maurice). Elle est si prolifique qu’une centaine de livres va sortir en dix ans, et qu’elle doit recourir à des aides extérieures pour soutenir ce rythme de parution.
Encart du 16 février 1938, en une de L'Ouest-Éclair |
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Réclame du 29 mai 1938 dans L'Ouest-Éclair |
Elle rentre à Paris en 1944, et la Libération lui vaut de connaître une grande notoriété. On l’appelle « la Femme aux cent romans ». Elle fait de la radio, donne des conférences un peu partout et même à l’étranger ; se lie d’amitié avec le boxeur Marcel Cerdan et l’aviatrice Maryse Bastié ; s’envole pour New York en 1946 puis, en 1950, découvre le Québec : son œuvre y rencontre immédiatement une vogue toute nouvelle. Entre-temps, en 1947, elle a épousé Joseph Corradot et s’est installée à Rueil-la-Gadelière (Eure-et-Loir), à quelques kilomètres de Verneuil-sur-Avre (Eure) où, en 1953, elle crée la section locale de l’association France-Canada (voir plus haut le témoignage de M. Jean Herbette). Médaillée de la Résistance et décorée de la Légion d’honneur en 1954, elle est quatre fois élue conseillère municipale de son petit village, restera vice-présidente de la Société des gens de lettres de 1976 à 1984, et recevra pour son œuvre le prix Paul-Féval en 1985. Décédée le 5 février 1986, elle est enterrée à Rueil, à quelques pas de celui qui fut son voisin immédiat, le célèbre peintre Maurice de Vlaminck. À Verneuil-sur-Avre, la salle des associations de la Maison Dufour porte depuis lors son nom de plume.
(Entre autres sources d’informations à son sujet, nous citerons Ouvrières des lettres et Parlez-moi d’amour, de Ellen Constans, ouvrages parus aux Presses universitaires de Limoges.)
3 • « Ce n’est pas Verneuil, c’est sa banlieue »
Dans le n° 5 du Bulletin municipal de Verneuil, paru en juin 1969 (pages 2 et 3), Magali a publié le très bel article que nous reproduisons ci-dessous. (Vous pouvez cliquer et recliquer dessus pour l'agrandir.)
Voici une liste probablement incomplète de cent quarante titres parus en langue française sous le nom de plume de Magali (à l’exclusion de ses opérettes, pièces de théâtre et chansons, de ses œuvres traduites et donc de celles qu’elle a publiées sous d’autres pseudonymes) que nous avons pu recenser, classés par ordre alphabétique. Les dates indiquées sont celles des plus anciennes éditions que nous avons répertoriées, et les différents styles de couvertures présentés ont été choisis à dessein pour montrer leur évolution dans le temps.













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